Installation forcée

Kennedy s'était éclipsée du hall à son tour. Elle avait passé sa matinée à visiter l'immeuble 667, qui, et elle en était sûre maintenant, ne lui plaisait pas du tout. Entre certains couloirs perpétuellement plongés dans le noir, toutes ces radios et ces télés dans les appartements qui ne fonctionnaient pas, ce silence insupportable ( qui, mais elle ne le savait pas encore, apparaîtrait sûrement comme une bénédiction lorsqu'elle prendrait connaissance de ces bruits étranges qui plomberaient la nuit ), la jeune fille se demandait vraiment comment elle pourrait survivre ici ne serait-ce qu'une semaine sans péter un plomb ou perdre à jamais le sourire. Kennedy avait arrêté sa visite au beau milieu de l'immeuble, les étages se ressemblant désespérément tous, elle en avez eu assez, se demandant si cet immeuble finissait jamais. Elle se promit de reprendre le reste de la visite plsu tard, ayant repéré ce qui lui importait : les réserves d'eau et de nourriture, un restaurant, enfin bref, ce genre de choses.
Elle avait ensuite choisi un appartement où s'installer, du moins dans un premier temps. Puis elle était redescendue dans le hall pour chercher ses affaires et y était retrournée.

Appartement 23

Kennedy ouvrit la porte. L'appartement 23 se trouvait au troisième étage. Kennedy ne lui avait pas trouvé d'attrait particulier, mais elle avait simplement eu envie de s'installer dans cet appartement tout spécialement. Elle déposa sa grosse valise derrière la porte et, son sac encore sur son dos, poursuivit l'exploration de l'appartement plus en profondeur. Elle découvrit deux chambres, une salle de bains, des toilettes, un salon minuscule muni d'une télévision qui refusait de s'allumer, d'un poste radio qui agissait de la même manière, et un canapé. L'appartement était meublé sommairement, et Kennedy remarqua aussi l'absence de cuisine, ce qui l'amènerait à descendre bien souvent au restaurant, aux caves et aux cuisines. Ca ne la dérangeait pas, au contraire. Ca la forcerait à voir un peu de monde et le contact humain n'était que plus rassurant dans cet endroit lugubre. Une sorte d'anti-dépression. En même temps, pour déjà songer au fait qu'elle risquait fort de déprimer ici et que seul le contact humain pourrait l'aider, elle ne donnait pas chère de sa peau côté depression.
Kennedy rangea sa valise au pied du lit à deux places qui occupait l'une des deux chambres. Elle s'assit sur le lit et respira l'odeur des draps bordeaux. Ils sentaient le veilli. Ce n'était pas une mauvais odeur, mais une de celles qu'on ne trouvait que dans les veilles maisons peu souvent aérées. Chez sa grand-mère par exemple. Kennedy se demanda s'il y avait une laverie ou si toute la lessive devrait se faire à la main. Elle verrait ça plus tard.... Elle appuya sa tête contre un oreiller et se mit à réfléchir au fait qu'elle n'aimerait pas dormir seule dans cet appartement. Harry se proposerait sûrement pour occuper l'appartement avec elle si elle le lui demandait, mais elle n'avait pas envie de passer pour une petite trouillarde de 18 ans. D'ailleurs, elle n'avait pas peur. Pas peur d'être enfermée ici. L'enfermement relevait plutôt de l'horreur, du dégoût en quelque sorte. Bref elle détestait ça. La solitude en revanche lui faisait très peur, et Kennedy le savait parfaitement. Mais Harry trouverait sûrement ça naturel de lui proposer cela de lui-même, sans qu'elle ne vienne le chercher. D'ailleurs, elle le savait si gentleman qui était capable de dormir dans l'autre chambre, sur le canapé voire par terre. Même si elle-même n'éprouvait ni réticence, ni crainte ni quoique ce soit d'autre à ce qu'il dorme avec elle. Il y avait aussi Melany, sa petite soeur. Kennedy songeait que celle-ci, débrouillarde et au caractère de leader, dormirait peut-être une nuit ou deux dans la même chambre que sa grande soeur pour se rassénérer puis décamperait vite avec ses copines si elle le pouvait. Melany n'était pas non plus ne grande trouillarde à sa conaissanace. La colocation avec une personne de son âge l'attirait inexorablement. Vivre avec Harry ou même Kristina lui plairait beaucoup puisqu'il s'agissait bien de vivre ici pour le moment. Elle pensa également à autre chose. Certains, parmi les plus jeunes, n'avaient peut-être pas d'attaches ou de liens avec les plus grands. Adélaïde par exemple, la petite demoiselle qu'elle avait rencontrée dans le hall, avait-elle de la famille, des amis ici ? Voudrait-elle dormir seule ou avec une personne plus agée ? Un professeur, un élève ? Kennedy pour s apart n'hésiterait pas à prendre quelques uns d'entre eux sous son aile s'il le fallait, c'était purement inscrit dans son caractère.
Kennedy, toujours immobile, fixa de ses yeux vagues la porte encore grande ouverte de la chambre. De là, on ne voyait pas l'entrée qui donnait sur le couloir, mais uniquement le canapé du salon. Elle ferma les yeux un instant et ne les rouvrit que lorsqu'elle discerna dans ce silence complet et pesant des petits bruits distincts au niveau de l'entrée qui signifiaient inéluctablement que quelqu'un était entré dans "son" appartement.

Et la personne qui était entrée dans " son " appartement était la même qui lui avait adressé la parole en première dans le hall ce matin même. Autrement dit, Adelaïde.

La fillette, après avoir finit de faire connaissance avec Xavier Cooper, était partit seule explorer un peu l'immeuble. Elle avait laissé ses bagages dans le hall, puis elle était partit dans les étages avec une certaine exitation, mais avec une légère pointe d'effroi aussi. Elle avait croisé que quelques personnes, mais toujours des petits groupes, alors elle ne leur avait pas parlé. Elle avait traversé un couloir plongé dans une obscurité et un silence oprressant, elle avait essayé d'ouvrir une porte sans succés puis elle avait explorer en vitesse un appartement dans les premiers étages. Mais comme Adelaïde avait vu des filles de sa classe qui se moquaient d'elle souvent dans cet appartement, à jouer les exploratrices sans peurs alors qu'elles hurlaient au moindre grinçement, elle avait vite tourné les talons.

Adelaïde avait également ressentit une drôle d'impression devant la porte d'un unique appartement, situé à elle ne savait plus quel étage. Elle n'avait pas essayé d'ouvrir la porte. Elle était resté plantée devant la porte un moment, qui semblait à la fois long et court à la fois, puis elle avait fait lentement demi-tour avant de descendre les escaliers. Peu après midi, quand elle avait commençé à avoir un peu faim, Adelaïde avait sortit le paquet de gâteaux au gingembre qu'elle avait pris en cuisine le matin et qu'elle avait mis dans sa poche. Elle avait grignoté ses biscuits assise dans un couloir, le dos contre le mur, seule. Enfin, avec Salomée bien sûr. Sa poupée de chiffins ne la quittait jamais, ou presque.

Après être restée un long moment assise dans le couloir où elle avait grignoté, Adelaïde s'était levée et s'était remise à marcher. Comme si marchait lui permettait de remettre ses idées en place. Elle ne savait que penser de cet immeuble pour le moment. Elle n'appréçiait pas le fait d'être enfermée, mais cet immeuble avait quelque chose ... quelque chose d'intéressant. D'irésistible et d'effroyable en même temps. Quels secrets renfermait cet immeuble 667 ? Adelaïde se le demandait ... Soudain, la jeune fille s'arrêta. Elle se trouvait devant la porte d'un appartement. L'appartement 23, d'après la petite enseigne de cuivre placardée sur la porte. Adeläïde resta immobile devant la porte de l'appartement, un peu comme celle de l'étage plus haut, mais Adelaïde ne ressentit pas la même chose à cet appartement là. Et c'est pourquoi Adeläïde n'hésita pas et tourna la poignée de la porte avant d'entrer à l'intérieur.

Elle referma doucement la porte derrière elle et s'avança de quelques pas dans le salon de l'appartement. La fenêtre permettait de faire entrer la lumière du soleil, mais des barreaux séparaient l'intérieur de l'immeuble et le monde extérieur. La télé était éteinte, mais Adelaïde se doutait que même si ils essayaient de l'allumer, seuls des points noirs et blancs apparaitraient. Elle regarda autour d'elle sans qu'une émotion spéciale ne transparece sur son visage pâle, puis quand elle arriva à la hauteur du canapé et qu'elle tourna la tête, elle s'apperçut qu'elle n'était pas seule dans l'appartement. Il y avait une chambre, dont la porte était ouverte, et sur le lit, Adelaïde apperçevait Kennedy, qu'elle avait rencontré le matin même. Adelaïde ne resta figée qu'un très court instant, puis elle eut un petit sourire et agita la main dans sa direction.

- Oh, salut !

Elle hésita un moment, puis elle se dirigea vers la grande fille avec qui elle avait voulu parler lorsq'elles étaient dans le hall. Adelaïde s'asseya alors en tailleur sur le sol, en face de Kennedy, posa Salomée au sol à côté d'elle et sourit. Quand elle voyait cette fille, Adelaïde avait une irresistible envie de lui parler.

- Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un ...

Elle apperçut alors la valise posée au pied du lit, et elle ajouta :

- Tu t'installes ici ?

Kennedy ne se sentit pas du tout inquiète lorsqu'elle entendit ces bruits. Elle n'était enfermée que depuis quelques heures dans cet immeuble et n'était pas encore devenue assez paranoïaque pour s'affoler pour un rien. Elle devina que quelqu'un était entré, et ce quelqu'un n'était autre qu'Adélaïde. Elle esquissa de suite un petit sourire franc, songeant au fait qu'elle avait pensé à elle la minute auparavent, en voyant la jeune fille aux longs cheveux de jaïs s'assoir en face d'elle, en tailleur par terre, après l'avoir salué d'un signe de la main et de quelques mots très brefs.

- Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un ...

Kennedy se remit en position assise et croisa également les jambes sur le lit. Elle répondit d'un ton léger :

" Oh ne t'inquiète pas, tu ne me dérange pas du tout."

Adélaïde jeta un oeil à sa valise et demanda :

- Tu t'installes ici ?

Kennedy jeta un oeil d'ensemble à la pièce et soupira.

" Je pense oui. Puisqu'il faut s'installer, autant choisir un endroit où dormir. On verra bien si ça me convient plus tard. Et toi, tu as trouvé un endroit ?"

Kennedy fixa la jeune fille qui lui faisait face, tentant de sonder dans ces yeux noirs une quelconque façon de penser. Elle l'avait déjà remarqué, mais Adélaïde l'intriguait vraiment. Il ignorait exactement pourquoi, mais c'était comme ça. De plus, Kennedy avait toujours eu cet instinct de protection qui agissait souvent sans qu'elle l'ait vraiment invité, mais bon, ça ne lui apportait que très rarement des ennuis. En observant ainsi la jeune fille, elle songea à Melany. Elles étaient sans doute très différentes mais s'il y a avait un point commun que Kenny aurait pu leur trouvé, bien que cela faisait à peine une demi-journée qu'elle connaissait Adélaïde, c'était bien le fait de les considérer toutes deux comme des petites soeurs. Eh oui, Kennedy s'attachait tellement vite...

" Je pense oui. Puisqu'il faut s'installer, autant choisir un endroit où dormir. On verra bien si ça me convient plus tard. Et toi, tu as trouvé un endroit ? "

Si Adelaïde avait trouvé un endroit où s'installer ?
A vrai dire, la fillette n'y avait même pas pensé, ne serait-ce qu'une seconde. Oh, certes, elle se doutait qu'il devait y avoir pleins d'appartements de libres, dans cet immeuble, mais elle n'avait jamais pensé à s'installer dans l'un deux. Puis la vérité lui vint comme une évidence : puisqu'il semblaient enfermés, les gens présents s'installeraient, au moins dans un endroit pour dormir. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ? Et puis, elle ne savait pas du tout où et surtout avec qui s'installer. Elle ne connaissait personne, ci, enfin presque, et les gens de sa classe ne voudraient sûrement pas d'elle, a une ou deux exeptions près ... Et bien qu'il y avait pleins d'appartements, il ne fallait pas se faire d'illusions : personne n'aurait son appartement pour lui ou elle tout(e) seul(e).

Bref, Adelaïde resta un instant à réfléchir, puis elle répondit, avec franchise, en la fixant dans les yeux comme à son habitude lorsqu'elle parlait à quelqu'un :

- Moi ? En vérité, je n'y ai même pas pensé ... je verrais bien en fonction des autres, où ils s'intalleront. Je pense qu'ils vont faire tous comme toi et chercher un endroit ou dormir, çà m'étonnerait qu'ils veulent encore une fois dormir dans le hall.

Ce qui était vrai, car bien qu'il y est des fauteuils et des canapés un peu partout dans le hall, ce n'était pas bien confortable quand on était habitué à un bon lit pour dormir ! Dans le cas d'Adelaïde, elle, elle s'en fichait pas mal de dormir sur un lit, sur un fauteuil ou par-terre. Elle, quand elle était fatiguée, elle dormait.

Adélaïde s'accorda le temps de la réflexion après la question de la jeune femme. Posément, Kennedy l'écouta répondre :

- Moi ? En vérité, je n'y ai même pas pensé ... je verrais bien en fonction des autres, où ils s'intalleront. Je pense qu'ils vont faire tous comme toi et chercher un endroit ou dormir, çà m'étonnerait qu'ils veulent encore une fois dormir dans le hall.

Kennedy soutint le regard de la jeune fille tout naturellement, même si celle-ci fixait de manière quelque peu déroutante en y pensant. Elle battait assez rarement des cils, nota Kennedy. Elle remarqua aussi et avec admiration la capacité de locution d'Adélaïde. Elle s'exprimait très bien pour une fille de son âge... C'est alors que Kenny se demanda qu'elle âge elle avait en vérité. Elle lui avait donné environ entre neuf et onze ans mais peut-être avait-elle plus que ça, c'était possible après tout. Kennedy songea finalement que, d'une manière générale, il y avait beaucoup de questions à poser sur Adélaïde Vagner.

" Je pense aussi. Le hall a beau avoir quelque chose de rassurant, ça ne doit être vrai que lorsque tout le monde s'y trouve et de jour. C'est assez grand et vide la nuit pour donner froid dans le dos à mon avis. Remarque, les petites chambres éparpillées partout ne sont peut-être pas mieux pour certains..."

Kennedy réfléchit à ce qu'elle venait de dire. Pour elle, un appartement la nuit valait mieux que le hall grand et vide qu'elle venait d'évoquer. Restait à savoir si cela resterait le cas après la première nuit passée ici. Elle n'était pas encore au courant de toutes les bizarreries qui se produiraient dans cet immeuble...

" Et si jamais tu cherches quelqu'un avec qui partager un appartement, tu viens me voir quand tu veux. Evidemment, c'est toujours mieux pour toi si tu as de la famille ou des amis ici..."

Kennedy ne savait pas qu'Adélaïde avait une tante professeure ici, et elle ignorait tout autant que la jeune fille n'avait pas énormément d'amis, que ce soit ici ou dehors, à Penton. Peut-être n'était-il cependant pas trop tôt ou trop tard pour le savoir...

Adelaïde écouta tranquillement les premières paroles de Kennedy, en hochant simplement la tête. Peut-être ce qu'elle disait était vrai, à propos du hall n'ayant pas la même atmosphère de jour et de nuit, c'était même plus que probable. Mais la nuit dernière, la fillette s'était endormie comme une souche sur un fauteuil et ne s'était réveillée qu'aux premières lueurs de l'aube. Elle n'avait donc pas vraiment eut affaire au hall vide, silencieux et noir de la nuit ...

Ce fut alors que la jeune femme proposa à Adelaïde de venir dans son appartement si elle n'avait personne avec qui partager une habitation en attendant de sortir de cet immeuble. La fillette fixa de nouveau Kennedy dans les yeux, tout en réfléchissant. Oh, certes, elle avait sa tante ici, professeur, mais elle ne l'avait pas encore croisée depuis la veille. Elle pourrait toujours aller la voir de temps en temps, mais Adelaïde pensait que les professeurs se prendraient un appartement à eux ... Ou bien sa tante acceuillerait dans le sien quiconque le voudrait, Adelaîde en était sûre. Bref, Adelaïde ne se voyait pas cohabiter avec sa tante, mais elle n'était pas contre dormir quelques nuits avec elle si elle le voulait. Mais même là, elle ferait sûrement une ronde avec ses collègues dans les couloirs. Ce qui reviendrait au même pour Adelaïde : dormir seule.

Ah, des amis. Là, c'était encore pire. Elle n'en avait aucun, mais ne se démoralisait pas pour autant et l'avouait sans aucune gêne. D'ailleurs, elle balaya bien vite ce détail, et décida de répondre sincérement à Kennedy qu'elle appréçiait déjà, en la fixant sans ciller, comme à son habitude :

- En vérité, j'ai ma tante Kate qui est ici, dans l'immeuble je veux dire, mais elle est professeur et je doute qu'elle puisse me consacrer tout son temps. Pour ce qui est des amis, je n'en ai aucun.

Adelaïde n'avait aucune gêne pour ce qui était d'avouer cela, car pour elle, ce n'était pas une tarre. Au contraire, cela signifiait simplement que les gens qui ne l'approchaient pas ou qui se moquaient d'elle sans arrêt n'étaient pas faits pour être des amis d'Adelaïde. Cependant, Kennedy se comportait avec elle comme jamais personne ne l'avait fait avant, hors mis sa mère, bien entendu, et c'est pourquoi Adelaïde la remercia avec un sourire, intéressée à l'idée de " vivre " avec Kennedy mais ne voulant pas la déranger. Après tout, elle, elle devait avoir des amis, et de la famille sûrement. Adelaïde se demandait vaguement si elle ne ferait pas un peu trop ...

- Merci beaucoup de me proposer çà, mais je ne veux pas te déranger. Tu dois avoir des amis, toi, n'est-ce pas ? Et de la famille, aussi ? Tu dois sûrement avoir envie de partager cet appartement avec eux ...

Adélaïde hocha la tête tranquillement à ses paroles. Kennedy profita de ce court silence pour changer de position, sentant déjà des fourmis envahirent son pied gauche, et se mit à plat ventre sur le lit, menton posé sur les mains, et le visage déjà plus proche de celui de son interlocutrice, qui répondit avec une sincérité dont elle soupçonnait jusque là déjà l'existence chez elle :

- En vérité, j'ai ma tante Kate qui est ici, dans l'immeuble je veux dire, mais elle est professeur et je doute qu'elle puisse me consacrer tout son temps. Pour ce qui est des amis, je n'en ai aucun.

Il était tout de même étrange aux yeux de Kennedy de voir une si jeune fille sourire après avoir répondu clairement et tout naturellement qu'elle n'avait pas d'amis. Kennedy ne releva pas. Elle hocha simplement la tête à son tour, avec un air un peu triste pour elle mais sans exagération, et écouta la suite des propos d'Adélaïde :

- Merci beaucoup de me proposer çà, mais je ne veux pas te déranger. Tu dois avoir des amis, toi, n'est-ce pas ? Et de la famille, aussi ? Tu dois sûrement avoir envie de partager cet appartement avec eux ...

Adélaïde était une personne très sincère. Kennedy n'avait aucune envie de lui mentir en disant que " oh non tu sais moi non plus je ne connais pas grand-monde ici" alors qu'elle connaissait effectivement des gens suceptibles de partager cet appartement avec elle. Kennedy expliqua :

" Eh bien il y a trois personnes ici qui pourraient surement. Ma petite soeur Melany, à conditoin qu'elle ne se soit pas déjà installée avec ses copines et déjà en train de faire une bataille de polochons dans une chambre - ce qui se pourrait très bien la connaissant ..."

Kennedy sourit à cette pensée. Melany était plutôt pragmatique et elle n'aurait surement pas le temps de s'inquiéter mais au contraire de profiter de chaque avantage que pouvait offrir cet endroit si avantages il y avaient, et Melany saurait sûrement en trouver, du moins dans un premier temps. Elle possèdait aussi ce caractère de leader qui, même à douze ans, l'empêcherait sûrement de pleurer sur son sort à longueur de temps. Avec une espèce de sourire tordu, elle songea à ce que sa soeur pourrait faire pour sortir d'ici une fois son stock de maquillage épuisé...

" Il y a aussi Kristina, une de mes amies. Mais je ne sais pas ce qu'elle voudra faire et je ne l'ai pas vue depuis hier soir. Idem pour mon petit-ami. Mais je t'assure que si tu veux t'installer ici aussi je n'y vois aucun inconvénient, ça me ferait même très plaisir. Et puis si Harry Kristina et Melany veulent partager leur appartement avec moi aussi, on essayera de trouver un appartement plus grand. Il ne manquerait qu'un lit ici si je prend le canapé."

Elle sourit et ajouta sur le ton de la plaisanterie :

" Je peux même dormir par terre. Et si tout l'immeuble se ramène dans notre appartement, on ira tous dormir dans le grand hall froid et vide..."

Kennedy prit l'oreiller derrière elle et le mit sous ses bras pour s'installer plus confortablement et cessa enfin de soutenir le regard d'Adélaïde. Ses yeux noisettes tombèrent sur la poupée singulière posée près d'Adélaïde, à laquelle elle n'avait jusque là pas encore prêté trop d'attention. Souriante toujours, elle fit :

" Mais dis-moi, tu ne m'aurais pas un peu menti en disant que tu n'avais pas d'amis... Comment elle s'appelle ?"

Elle désigna la poupée du doigt. Kennedy n'en avait jamais possédé une pareille évidemment, mais avant que sa petite soeur n'arrive en tant que compagnon de jeu, sa meilleure amie avait été Princess Lilly la poupée aux longs cheveux blonds bouclés... Sauf qu'elle avait huit ans lorsque celle-ci s'était retrouvée au grenier, remplacée par les billes, la trotinette et les cordes à sauter.

Adelaïde écouta Kennedy jusqu'au bout, sans l'interrompre, les yeux légérement dans le vague. Elle appréçia le fait que la jeune femme se montre sincère avec elle, et ne cherche pas à lui cacher la vérité sous pretexte qu'elle était trop jeune ou un autre pretexte de ce genre. Elle l'écouta mentionner sa jeune soeur, du nom de Melany, en essayant de se rappeller si elle avait déjà entendu ce prénom là quelque part, mais elle ne se rappella pas. Après tout, elle ne l'avait peut-être jamais vue, tout comme la dénommée Kristina, une amie de Kennedy, qui devait sûrement être dans la même classe qu'elle, et pareil pour son petit-ami. Le fait de ne pas les connaître, alors qu'ils pourraient très bien débarquer d'un moment à l'autre ici - après tout, ils devaient bien avoir envie de voir Kennedy - rendait Adelaïde un peu nerveuse mais au fond d'elle, elle se disait qu'ils ne devaient pas être comme les hypocrites de sa classe, puisqu'ils avaient tous un lien avec Kennedy, qui était très gentille.

Adelaïde eut un petit sourire sur la petite plaisanterie de la jeune femme, mais elle ne dit rien. Ce fut seulement quand Kennedy remarqua la poupée de la fillette que cette dernière prit la parole pour lui répondre. Adelaïde pris Salomée dans ses mains, la posa sur ses genoux, puis la contempla un moment avant de lever les yeux vers Kennedy.

- Ce n'est pas vraiment une amie réelle, c'est ma poupée vaudou. Elle s'appelle Salomée.

Adelaïde regarda encore un instant la poupée de chiffons, avec ses longs cheveux noirs de laine, ses yeux en boutons et sa bouche constituée d'une ficelle cousue. On faisait mieux comme poupée, mais Adelaïde ne voulait pas d'une poupée pré-fabriquée achetée en magasin. Elle préférait confectionner ses propres poupées, surtout des poupées vaudous. Oh bien sûr, AdelaÎde ne plantait pas des aiguilles dans toutes ses poupées, non. Ce qu'elle entendait par poupée vaudou, c'était une poupée à l'éffigie de quelqu'un. Salomée était la poupée à son effigie, offerte par sa tante Kate quand elle avait atteint l'âge de 5 ans. Adelaïde se confectionnait également d'autres poupées, et elle créé même des vaudous pour les gens qu'elle appréçiait. Elle en avait offerte une à sa tante, et à ses parents. Son père l'avait jettée au feu, sa mère l'avait oubliée dans un placard, mais sa tante en prenait au moins soin. Après tout, c'était elle qui lui avait enseigné la vraie signification des mots " poupée vaudou " ...

Adelaîde releva ses yeux sombres comme la nuit, pour ajouter, à l'adresse de Kennedy :

- Beaucoup de gens considèrent les poupées vaudous comme des accessoires du mal, parce que dans les films, on transperce une poupée vaudou pour faire mal à la personne qui lui ressemble. C'est stupide.

Elle eut un petit sourire en regardant Salomée.

- Pour moi, les poupées vaudous, ce sont des poupées qui nous ressemble. Une poupée vaudou est unique, car chaque personne en ce monde est unique. Salomée, par exemple, est ma poupée vaudou. Elle m'a été offerte par ma tante quand j'étais petite ... C'est un véritable talisman.

La jeune fille releva la tête, ayant soudainement une idée. Elle hésita un moment, puis elle décida de formuler sa proposition quand même. Elle aimait bien Kennedy, et pour elle, l'amitié commençait par ce qu'elle avait décidé de faire. Elle fixa donc Kennedy du regard, hésita encore un moment, puis annonça :

- Si tu veux, je pourrais te fabriquer ta poupée vaudou à toi ...

A sa question, Adélaïde commença par prendre la poupée puis répondit :

- Ce n'est pas vraiment une amie réelle, c'est ma poupée vaudou. Elle s'appelle Salomée.

Kennedy approuva silencieusement en hochant la tête de haut en bas très légèrement. Il lui semblait qu'Adélaïde était plus mature que la moyenne tant en restant à la fois une enfant, mélange peu ordinaire à son goût puisqu'elle n'avait jamais remarqué cela chez une fille d'environ dix ans. Comme venue d'un autre monde, elle avait l'impression qu'Adélaïde possèdait une mentalité différente de celle des autres. Songeuse, elle repensa à un test qu'elle avait trouvé dans un magazine et qu'elle avait fait avec Jane. Le résultat du test prouvait que 2% de la population pensait différemment de la "normale", et permettait de savoir si on faisait partie des 98 ou 2 %. Sans surprise, Kennedy et Jane étaient tombées dans les 98%. Ce test lui avait semblé assez surprenant pour qu'elle y croie, même si cela pouvait toujours être faux. Mais quand même... Kenny était persuadée qu'Adélaïde aurait attérie dans les 2%. Cependant, elle n'allait pas lui faire : oh fait, tu veux bien que je te fasse un test ? Rien que pour savoir si tu pense comme tout le monde ou pas...". Très subtil, remarqua-t-elle silencieusement avec ironie. Et puis elle était trop interressée par cette histoire de poupée vaudou de toute façon...

- Beaucoup de gens considèrent les poupées vaudous comme des accessoires du mal, parce que dans les films, on transperce une poupée vaudou pour faire mal à la personne qui lui ressemble. C'est stupide. Pour moi, les poupées vaudous, ce sont des poupées qui nous ressemble. Une poupée vaudou est unique, car chaque personne en ce monde est unique. Salomée, par exemple, est ma poupée vaudou. Elle m'a été offerte par ma tante quand j'étais petite ... C'est un véritable talisman.

Kennedy esquissa un petit sourire. Bizarre ou pas, la façon de penser d'Adélaïde lui plaisait. Et puis, ce n'était pas Kennedy Gomer, ou Mademoiselle-Super-Banale, qui allait se plaindre de cotoyer quelqu'un qui sorte un peu de l'ordinaire. Au contraire.

- Si tu veux, je pourrais te fabriquer ta poupée vaudou à toi ...

Kennedy ne savait pas vraiment ce que ça représentait pour Adélaïde. Elle le saurait peut-être un jour, en tout cas, elle avait tout de même conscience que ça semblait avoir son importance. Kennedy laissa passer un bref silence avant de répondre :

- J'en serais vraiment ravie. A condition bien sûr que ça te dérange pas et que tu es le temps et ce qu'il faut pour le faire...

Un coin de sa bouche s'étira un un sourire infime en songeant que le temps, il n'en manquerait sûrement pas ici... A partir trouver comment sortir, elle ne savait pas ce qu'ils pourraient bien faire de mieux.

- J'en serais vraiment ravie. A condition bien sûr que ça te dérange pas et que tu es le temps et ce qu'il faut pour le faire...

Un fin sourire se dessina sur le visage pâle d'Adelaïde.
Un fin sourire, un petit sourire, mais un sourire heureux et naturel.
Cela ne la dérengeait pas du tout de confectionner la poupée vaudou de Kennedy, au contraire. Elle était contente que la jeune femme ait accepté si facilement sa proposition, qui pouvait paraître particulièrement étrange. Certes, elle l'était, mais pas pour la fillette. Elle pensait différemment que les autres, voilà tout. Beaucoup n'acceptaient pas l'étrangeté. Mais dans le cas de Kennedy, il semblerait que si. Et ce n'était pas sans lui déplaire. Elle répondit donc à cette dernière, en gardant son sourire :

- Non, non, çà ne me dérange pas, au contraire ... C'est moi qui te l'ai proposé.

Puis elle ajouta, après avoir posé un regard songeur sur Salomée :

- Et puis j'ai tout le temps qu'il me faut pour la faire. Je ne pense pas qu'on puisse sortir de si tôt de cet immeuble...

La fillette posa ses yeux sombres sur Kennedy, avec un autre sourire sincére. Elle doutait franchement qu'on les libère de si tôt, mais si c'était le cas, elle espérait que rien ne changerait dans les nouveaux liens qu'elle avait tissés avec Kennedy. Pour elle, en tout cas, rien ne changerait. C'est pourquoi elle n'était pas triste d'être enfermée dans cet immeuble, Adelaîde. Elle avait rencontré des personnes sincéres et rien que pour cela, elle n'était pas abattue d'être coupée du monde extérieur.

- Mais même si on sortait demain, je te ferais quand même ta poupée ... Après tout, nous sommes tous de la même ville, non ? Et pour ce qui est des outils, ne t'inquiètes pas. J'ai ce qu'il faut.

Adelaïde se redressa alors, épousseta ses genoux et prit Salomée dans ses bras.
Elle décida de prendre congé de la jeune femme si gentille, car elle voulait faire un tour dans les étages supérieurs, visiter le toit peut-être, et commencer la poupée vaudou promise. Elle pourrait toujours revenir la voir, enfin du moins si elle le voulait. Elle inclina donc la tête, ses longs cheveux cachant son visage un instant, et dit :

- Bon, je vais y aller. Je compte me balader un petit peu ... Je pourrai revenir te voir ?

( Désolée, c'est pas génial >_< )

- Non, non, çà ne me dérange pas, au contraire ... C'est moi qui te l'ai proposé.

Logique, songea distraitement Kennedy. Elle observa plus attentivement encore, si c'était possible, Adélaïde. La jeune fille avait l'air ravie de confecionner cette poupée pour elle. Jeune fille. Oui, Kenny ne pouvait plus l'appeller fillette. Adélaïde n'en était pas une. Elle l'a trouvait beaucoup trop intelligente pour ça. A nouveau, elle se demanda qu'elle était exactement son âge. Bah, ça n'avait pas tant d'importance...

- Et puis j'ai tout le temps qu'il me faut pour la faire. Je ne pense pas qu'on puisse sortir de si tôt de cet immeuble...
- J'ai tendance à être complètement d'accord avec toi là-dessus, répondit-elle en souriant.

Le mot tendance était même superflu. Kennedy ne savait pas qui les avait enfermé, ni pourquoi, ni pour combien de temps, mais certaienement pas juste pour une petite semaine. Elle avait longuement réfléchi la première nuit passée ici, et elle la seule théorie qu'elle avait pu émettre concernait un psychopate de Penton venue s'amuser en les enfermant ici pour une sombre raison. Ce qui était encore en elle-même une théorie floue. Et Kennedy refusait de croire à une explication surnaturelle, bien que ça y ressemblait de plus en plus. Ou à un film d'horreur à la Saw aussi. La jeune femme songea alors qu'il faudrait vraiment qu'elle arrête les films de ce genre entre amis, si elle ne voulait pas que ça lui monte à la tête. Et puis l'enfermement dans cet immeuble ressemblait assez un scénario catactrophe pour qu'aucun film d'horreur ne lui paraisse plus très... horrifique ? après cela. Si après cela il y avait. Kennedy frissona et sortit de sa rêverie peu réjouissante.

- Mais même si on sortait demain, je te ferais quand même ta poupée ... Après tout, nous sommes tous de la même ville, non ? Et pour ce qui est des outils, ne t'inquiètes pas. J'ai ce qu'il faut.

Kennedy opina en silence. Elle continua de regarder Adélaïde avec un léger sourire, mais elle n'avait plus grand chose à ajouter pour le moment, malgré toutes les questions qu'elle avait pu déjà se poser au sjet de la jeune fille qui lui faisait face, et sa précédente pensée morbide l'em^pêcha de chercher une petite pointe d'humour.

Finalement, Adélaïde se leva. Kennedy la regarda faire sans rien dire.

- Bon, je vais y aller. Je compte me balader un petit peu ... Je pourrai revenir te voir ?

Nouveau sourire. Kennedy se redressa sur son lit et se rassit en tailleur, répondant avec enthousisma et sincérité :

" Bien sûr... me voir, dormir, ce que tu veux..."

Elle se leva afin de la raccompagner jusqu'à la porte de l'appartement comme elle l'aurait fait chez elle. Kennedy était vraiment ravie d'avoir rencontrée Adélaïde. Elle possèdait déjà une chose qu'elle n'avait jamais eu et qu'elel avait souvent envier : l'originalité.